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Tristes journées du Patrimoine pour la Butte Rouge

Tristes journées du Patrimoine pour la Butte Rouge

La Cité-jardin de la Butte Rouge est un modèle urbain reconnu internationalement, modèle architectural et paysager, modèle social et économique, modèle aujourd’hui pertinent d’adaptation aux changements climatiques. Elle est labellisée « Architecture contemporaine remarquable » par le le ministère de la Culture. Le périmètre de ce label inclut l’intégralité de la Butte Rouge, l’unicité et l’homogénéité de la Cité-jardin étant à préserver.

Le Collectif Citoyen Châtenaisien se bat contre le projet de destruction / reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Butte Rouge souhaité par la municipalité et qui a été présenté lors des Journées Européennes du Patrimoine 2025.

Nous sommes opposés à la destruction des bâtiments et à la densification de la Cité-jardin : c’est « une œuvre urbaine » et comme pour toute œuvre, enlever, retrancher ou couper une partie de l’œuvre, c’est dénaturer l’ensemble.

Nous sommes également opposés à la suppression de logements sociaux et au déplacement forcé des habitants de la Cité-jardin amenant à la gentrification de ce site.

Le journal de la mairie de cet été (Les Nouvelles de Châtenay, n°304) comporte des allégations et des omissions que nous nous devons de corriger ici.

Lien vers le journal Les Nouvelles de Châtenay, n°304 :https://www.chatenay-malabry.fr/PDF/magazine-agenda/Chatenay-Mag-304.pdf

Contrairement à ce qui est sous-entendu en page 8, le projet du maire pour la Cité-jardin de la Butte Rouge est loin de recueillir l’unanimité des Commissions Nationale et Régionale du Patrimoine et de l’Architecture sur ce sujet complexe qui mêle architecture, patrimoine, urbanisme, biodiversité, environnement et évidemment l’humain.

Par ailleurs, ce projet est présenté comme une modernisation énergétique et urbaine, mais il est largement contesté pour ses conséquences sociales, patrimoniales et environnementales.

En effet, ce projet de destruction/ reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Butte Rouge prévoit :

  • la démolition de la majorité des bâtiments existants ;
  • une densification importante du quartier ;
  • la perte de 1600 logements sociaux ;
  • et le déménagement forcé, a minima une fois, de tous les habitants actuels.

Contrairement aux affirmations du maire, le classement en Site Patrimonial Remarquable (SPR) n’est pas une initiative municipale. C’est la Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture (CRPA) du 8 octobre 2019 qui a demandé au maire Georges Siffredi de mettre en place un SPR, ensuite cela a été relayé par :

  • les actions des associations locales de défense du patrimoine dont Sauvons la Butte Rouge, l’Association Châtenay Patrimoine Environnement (ACPE) ;
  • le soutien de deux ministres de la Culture : Françoise Nyssen et Roselyne Bachelot ;
  • et la déclaration de Roselyne Bachelot en janvier 2021, qui a menacé de classer le site si la ville ne le faisait pas.

Cependant, à ce jour, seulement 50 % de la Cité-jardin de la Butte Rouge a été classé en SPR par un arrêté ministériel de Mme Rachida Dati, Ministre de la Culture le 5 juillet 2024. Cinq associations (locales et nationales) ont déposé un recours en justice contre cet arrêté ministériel, dénonçant :

  • un périmètre incohérent ;
  • la protection insuffisante (seulement 23 bâtiments sur 216) ;
  • et un projet de gentrification menaçant 1600 logements sociaux.

Et demandant que toute la Butte-Rouge y compris la cité les Peintres soit classée en SPR.

A ce jour, le recours est toujours en cours d’instruction.

Par ailleurs, lors des journées européennes du Patrimoine, il était prévu que « Dès septembre, une grande maquette du futur quartier [serait] installée à l’Espace Projet, place François Simiand. » (source : même journal de la ville, n°304)

Des membres du CCC ont assisté à l’inauguration de cette maquette le 20 septembre.

Contrairement à ce qui est annoncé dans le journal de la ville, ce n’est pas le futur quartier qui est présenté mais l’actuel avec seulement les démolitions assumées. Si vous allez voir cette maquette, vous serez déçu.e car elle présente les bâtiments actuels et les volumes des nouveaux bâtiments qui remplaceront ceux dont la mairie dit qu’ils seront démolis. Pour tous les autres, il n’y a aucune indication, alors qu’ils seront nombreux à subir des réhabilitations lourdes ou peut-être démolis.

Donc ne comptez pas sur cette maquette pour découvrir le futur quartier ou le quartier de demain. La maquette a toutefois un intérêt, elle montre que les nouveaux bâtiments seront construits plus larges, plus longs et pas toujours sur les emprises actuelles des bâtiments démolis.

Par exemple, les immeubles situés au 353 avenue Division Leclerc et Allée Verdi seront démolis et remplacés par des immeubles plus larges et aussi plus longs.

Photos extraites de Google Maps :

A gauche, immeubles actuels démolis

A droite, nouvelle emprise

Photo partielle de la maquette prise le 20/09/2025 :

Les points bleus correspondent aux bâtiments qui seront démolis. Cela va nécessairement conduire à l’abattage de nombreux arbres comme ces magnifiques pins :

Pour terminer, nous citerons ici la stèle à la mémoire d’Henri Sellier que l’on peut voir Place Henri Sellier :

« [Henri Sellier] a sauvegardé la beauté du site, empêché la destruction des arbres que l’esprit de lucre eut rendu inévitable »

De manière très pragmatique, le projet du Collectif Citoyen Châtenaisien pour la Cité-jardin de la Butte Rouge est :

  • D’entretenir les logements et de respecter les locataires ;
  • De ne pas démolir les bâtiments mais réhabiliter l’ensemble de la cité-jardin avec une extension du périmètre de protection du Site Patrimoine Remarquable à toute la Cité-jardin.
  • De sauvegarder les arbres et la qualité du paysage.

Le maire actuel Carl Ségaud – successeur de Georges Siffredi à l’origine de ce projet de destruction / reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Cité-jardin de la Butte Rouge – se félicite publiquement et dans ses médias de protéger la Butte Rouge pour le bien-être de ses administrés, mais dans les faits, nous constatons qu’il vide la cité de ses habitants, et il continue son projet de destruction / reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Cité-jardin.

Pour aller plus loin, nous avons retracé l’historique détaillé et sourcé du projet du maire de destruction / reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Cité-jardin de la Butte Rouge.

Cet historique est retracé en deux temps : une partie 1 qui concerne le plan administratif et orienté urbanisme et une partie 2 spécifique sur le classement en Site Patrimonial Remarquable.

PARTIE 1 : ADMINISTRATIF ET URBANISME

2016 : Le maire Georges Siffredi lance son projet de destruction / reconstruction / rénovation / densification / gentrification de la Cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry

Des réflexions sur la rénovation de la Butte Rouge existaient déjà depuis 2013, mais le projet du maire Georges Siffredi est formalisé et engagé politiquement pour la première fois en 2016 lors d’un conseil municipal.

2017 : Le maire Georges Siffredi formalise le projet et engage les premières signatures.

Dans un premier temps, a été signé le protocole de préfiguration du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU).

Ce protocole permet de formaliser les intentions de transformation urbaine. Il sert à définir les grandes orientations du projet, préparer les études techniques, sociales et patrimoniales, et engager la concertation avec les habitants et les partenaires. Il est cofinancé par l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), le territoire Vallée Sud-Grand Paris, la Caisse des Dépôts, et la mairie.

Dans un second temps, a été signée la convention de renouvellement urbain, en partenariat avec l’établissement public territorial Vallée Sud-Grand Paris et le bailleur Hauts-de-Bièvre Habitat.

Cette convention permet de formaliser les engagements financiers et opérationnels des partenaires. Elle déclenche la mise en œuvre concrète du projet : démolitions, constructions, réhabilitations, relogements, etc.

2019 : La Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture (CRPA) d’Île-de-France est saisie à deux reprises (7 février et 8 octobre) et émet des avis défavorables au projet.

La CRPA est une instance consultative placée sous l’autorité de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Elle joue un rôle essentiel dans la protection du patrimoine architectural, urbain et paysager au niveau régional. La CRPA est chargée de donner des avis sur les projets qui affectent des sites patrimoniaux remarquables (SPR), des monuments historiques, ou des secteurs sauvegardés, d’évaluer les impacts des projets d’urbanisme ou de rénovation sur le patrimoine et de conseiller les préfets et les ministères sur les décisions de classement ou de protection. Pour ce faire, elle est composée d’Architectes des Bâtiments de France (ABF), d’historiens de l’art, d’urbanistes, de paysagistes, de représentants d’associations de protection du patrimoine et d’experts du ministère de la Culture.

La CRPA d’Île-de-France rend des avis défavorables au projet de la mairie, notamment en raison :

  • De la destruction massive de bâtiments ;
  • De la densification du site ;
  • Du non-respect de la valeur patrimoniale de la Cité-jardin.

Elle souligne également l’importance de préserver l’intégrité du site, reconnu pour son architecture moderniste et son urbanisme paysager.

Voici le 1er avis défavorable du 7 février 2019 avec souhait d’un classement en SPR de la Cité-jardin de la Butte Rouge :

Et voici ci-dessous l’avis voté favorablement de la CRPA du 8 octobre 2019, qui demande « une réduction significative des propositions de démolitions et l’élaboration d’un projet qui associe l’ordre des architectes afin de garantir des prescriptions et des modalités d’élaboration préservant les interventions sur le patrimoine bâti et l’insertion environnementale du projet, pour que les financements publics mobilisables, […] contribuent à la sauvegarde du patrimoine de la cité-jardin et à sa mise en valeur, tout en respectant un cahier de prescriptions sur la qualité patrimoniale et environnementale du projet » (paragraphe 5). Cela revient donc à un 2ème avis défavorable contre le projet de la mairie en l’état actuel.
 

Mais les avis défavorables de la CRPA ne peuvent pas juridiquement empêcher un projet porté par une mairie. Il s’agit d’un avis consultatif, et non d’une décision contraignante.

2021 : La mairie a fait voter une modification du plan d’urbanisme (PLU n°4) concernant le quartier de la Butte Rouge, par le Conseil de territoire de Vallée Sud-Grand Paris.

Le Conseil de territoire de Vallée Sud-Grand Paris est l’établissement public territorial (EPT) compétent en matière d’urbanisme pour la commune. Il est composé de représentants des communes membres du territoire (généralement des maires, adjoints et conseillers municipaux).

En 2021, Vallée Sud-Grand Paris regroupe 11 communes : Antony (LR), Bagneux (PCF), Bourg-la-Reine (UDI), Châtenay-Malabry (LR), Clamart (LR), Fontenay-aux-Roses (UDI), Le Plessis-Robinson (LR), Malakoff (PCF), Montrouge (UDI), Sceaux (UDI) et Vanves (UDI).

La modification du PLU vise une transformation profonde de la Cité-jardin de la Butte Rouge. Elle prévoit notamment :

  • La destruction de 85 % des bâtiments existants ;
  • Une perte nette de 1600 logements sociaux ;
  • Le déménagement obligatoire de tous les locataires actuels ;
  • La création de 1000 nouveaux logements, augmentant la densité de 30 %.

Dans le cadre de l’enquête publique sur la modification n°4 du PLU, le commissaire enquêteur rend un avis favorable sans réserve. Cet avis favorable a été utilisé par la mairie pour valider politiquement le projet, au détriment des avis défavorables de la CRPA. Pourtant, lors de l’enquête publique, plus de 85% des avis citoyens exprimés – dont plusieurs architectes de renom – sont défavorables.

Vous trouverez plus de détails dans cette tribune de l’Architecture d’Aujourd’hui cosignée par pas moins de onze architectes de renom : https://www.larchitecturedaujourdhui.fr/69278/.

Les associations locales dénoncent une décision en décalage avec la participation citoyenne. Ainsi, plusieurs associations locales, dont Sauvons la Butte Rouge, Châtenay Patrimoine Environnement, d’une part, et le Collectif Citoyen Châtenaisien d’autre part, ont déposé un recours contre cette modification.

2023 : Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise annule la modification n°4 du PLU.

Grâce aux actions entreprises par les associations locales de défense du patrimoine, le tribunal administratif annule la modification n°4 du PLU. Les motifs invoqués sont multiples :

  • La procédure de modification du PLU était inadaptée. La mairie a opté pour une modification du PLU plutôt qu’une révision, alors que les changements envisagés étaient structurels et profonds. La révision aurait été plus contraignante mais juridiquement plus appropriée.
  • Le projet n’était pas cohérent avec le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) de la ville.
  • Le rapport de présentation était insuffisant par l’absence de mise à jour pour justifier les choix urbanistiques et patrimoniaux.
  • Le tribunal a reproché le manque de transparence dans les critères de sélection des bâtiments à conserver ou à démolir.
  • Il manquait une analyse des impacts sur :
    • L’évolution démographique ;
    • L’offre de logements ;
    • Le bâti existant ;
    • Les espaces naturels remarquables.
  • La Cité-jardin de la Butte Rouge est reconnue comme un site patrimonial majeur du XXe siècle, et le projet ne garantissait pas sa préservation.

Bien sûr, vous ne trouverez pas cette information dans le journal de cet été. Par contre, vous trouverez plus d’explications ici : https://www.bras-avocats.fr/cite-jardin-butte-rouge

2024 : Le projet de la mairie est soumis à une évaluation environnementale, conformément à la réglementation française sur les grands projets d’aménagement, par la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAe) d’Île-de-France, et qui émet un avis délibéré, soulevant des insuffisances dans l’analyse des impacts patrimoniaux, sociaux et environnementaux.

La MRAe d’Île-de-France est une instance indépendante consultative, placée sous l’autorité du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD). Elle joue un rôle essentiel dans l’évaluation des impacts environnementaux des projets d’aménagement, d’urbanisme ou d’infrastructure à l’échelle régionale. La MRAe est chargée d’analyser les études d’impact environnemental des projets soumis à évaluation, de rendre des avis motivés sur la qualité des études et sur les mesures d’évitement, de réduction ou de compensation proposées, de formuler des recommandations pour améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux dans les projets, et d’informer les autorités compétentes (préfectures, collectivités, porteurs de projet) sur les risques et les insuffisances environnementales identifiées. Pour ce faire, la MRAe est composée d’experts en environnement, en écologie, en urbanisme et en aménagement du territoire, d’ingénieurs et spécialistes du développement durable, de membres du CGEDD, qui assurent l’indépendance et la rigueur scientifique des avis rendus.

L’avis de la MRAe n’est ni favorable ni défavorable, mais vise à améliorer la qualité de l’évaluation environnementale et à garantir une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et patrimoniaux.

Les principaux points soulevés dans cet avis sont les suivants :

  • Insuffisances méthodologiques : L’étude d’impact est jugée incomplète car elle ne prend pas suffisamment en compte l’ensemble du projet de rénovation (60 hectares, 4 300 logements prévus) au-delà de l’îlot test « Mermoz ». L’Autorité recommande une approche plus globale.
  • Patrimoine et paysage : L’avis souligne un manque de justification des démolitions au regard d’un diagnostic architectural et patrimonial précis. Il est demandé de démontrer la pertinence des choix au regard des qualités urbaines, architecturales et culturelles de la cité-jardin.
  • Énergie et climat : L’analyse de cycle de vie des bâtiments est jugée insuffisante. L’Autorité recommande de comparer les impacts environnementaux entre démolition/reconstruction et rénovation.
  • Biodiversité et paysage arboré : La stratégie paysagère est jugée trop peu détaillée, notamment concernant la préservation du patrimoine arboré et l’insertion dans le paysage naturel environnant (forêt de Verrières).
  • Pollutions : Une étude de pollution des sols à l’échelle du projet global est demandée.
  • Mobilités : L’impact sur les mobilités et les alternatives à la voiture individuelle est peu développé.

Retrouvez l’avis délibéré de la MRAe ici : https://www.chatenay-malabry.fr/wp-content/uploads/2025/07/03_Avis-de-la-MRAe-Cite-Jardin-du-28-fevrier-2024.pdf

Extrait de l’étude de la Mission Régionale d’Autorité environnementale :

Ce même plan annoté de croix représentant les démolitions de bâtiments prévues :

2025 : Le commissaire enquêteur rend un avis favorable à l’enquête publique « environnementale » relative au projet de rénovation urbaine de la Cité Jardin et à la réhabilitation architecturale et la rénovation énergétique de trois bâtiments avenue Saint-Exupéry

Ce qui est souligné dans le bulletin municipal de cet été, c’est l’avis favorable du commissaire enquêteur sur cette enquête.

Vous retrouverez cet avis sur le site de la mairie : https://www.chatenay-malabry.fr/wp-content/uploads/2025/07/200-Cite-jardin-Chatenay-Malabry_Conclusions-motivees.pdf.

Cet avis concerne une enquête environnementale spécifique, distincte du PLU ou du classement patrimonial, et qui avait recueilli 85% d’avis défavorables de la part des contributeurs à l’enquête. Cet avis concerne plus particulièrement les travaux sur les trois bâtiments mentionnés avenue Saint-Exupéry, et non l’ensemble du projet de transformation de la Butte Rouge.

Aussi, bien que le commissaire n’intègre pas ces commentaires sous forme de réserve, il émet un certain nombre de recommandations (page 20 de son rapport), ce qu’il appelle des « points de vigilance pour préserver dans la durée les enjeux environnementaux ». Autrement, dit ces recommandations n’ont aucune valeur juridique à l’heure actuelle, il n’y a aucune contrainte et la mairie a légalement le droit de ne pas en tenir compte, ce qui supprimerait complètement l’aspect « environnemental » de ce projet. Nous ne pouvons pas décemment nous contenter de la bonne volonté de la mairie.

PARTIE 2 : CLASSEMENT EN SITE PATRIMONIAL REMARQUABLE (SPR)

Il convient également de revenir sur le classement de la Cité-jardin de la Butte Rouge en Site Patrimonial Remarquable (SPR). Car le projet de la Ville est loin de faire l’unanimité des experts.

Le maire de Châtenay-Malabry ne manque pas l’occasion de rappeler que le Collectif Citoyen Châtenaisien a voté contre le classement en SPR proposé par la mairie, et que lui-même serait à l’initiative de ce classement (Les Nouvelles de Châtenay, n°304). Cependant la vérité est tout autre. Le Collectif Citoyen Châtenaisien s’oppose à ce classement en SPR car le périmètre de ce classement ne prend pas en compte la totalité de la Butte Rouge. De plus, c’est bien grâce aux actions entreprises par les associations locales de défense du Patrimoine et avec l’aide de Mme Françoise Nyssen, ancienne Ministre de la Culture, et de Mme Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture en 2021, que l’idée d’un classement de la Butte Rouge a été actée.

2015 : L’agence D’une Brique à l’Autre Patrimoine (DBAP) réalise une étude patrimonialesur la Cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry et met en lumière plusieurs éléments clés qui ont contribué à reconnaître la valeur exceptionnelle de ce site.

L’agence DBAP est un bureau d’études spécialisé dans le patrimoine architectural et urbain. Elle intervient principalement dans l’analyse, la valorisation et la préservation du patrimoine bâti, notamment dans le cadre de projets de rénovation urbaine ou de réhabilitation.

Cela fait plus de dix ans maintenant que la ville de Châtenay-Malabry réfléchit à un projet de rénovation urbaine de la Cité-jardin de la Butte Rouge. En 2015, elle commande une étude environnementale à l’agence DBAP. Les principaux constats de l’étude sont les suivants :

  • Caractère exceptionnel du site : L’étude souligne que la Butte Rouge est un exemple remarquable d’urbanisme social humaniste du XXe siècle, conçu pour les classes populaires dans un cadre verdoyant de 65 hectares.
  • Valeur architecturale et paysagère : Elle met en avant la qualité de la composition urbaine, structurée autour de deux axes perpendiculaires et adaptée à la topographie du terrain (notamment la présence du ru de Châtenay).
  • Importance historique : La Cité-jardin est considérée comme un modèle d’urbanisme inspiré du mouvement des Garden Cities d’Ebenezer Howard, et elle constitue un témoin précieux de 80 ans de construction sociale en France.
  • Menaces identifiées : L’étude alerte sur les risques de transformation intempestive liés à la pression foncière et à l’absence de protection patrimoniale, contrairement à d’autres cités-jardins comme celles de Suresnes ou Stains.

Cette étude sera ensuite utilisée comme base pour les appels à la préservation du site, dont le rapport d’étude préalable au classement en SPR.

2019 : La Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture demande au maire le classement de la Cité-jardin de la Butte Rouge en Site Patrimoniale Remarquable (SPR)

Comme cela est écrit précédemment, la CRPA émet un avis défavorable au projet du maire et exprime le souhait explicite que soit engagée une procédure de classement en SPR :

2021 : Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture, a annoncé son intention de demander le classement de la Butte Rouge si la ville ne le faisait pas.

Lors de la séance de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale du 21 janvier 2021, Roselyne Bachelot déclare :

« Pour garantir le respect du site, je souhaite un classement site patrimonial remarquable. La mairie s’est engagée à lancer cette démarche devant le préfet et le DRAC. Si d’aventure elle changeait d’avis, je n’hésiterais pas à engager unilatéralement la procédure. Je vous en donne ici la garantie. »

Voici l’extrait vidéo : https://sauvonslabutterouge.org/roselyne-bachelot-reste-attentive-au-devenir-de-la-butte-rouge/.

Cette déclaration a marqué un tournant politique, en plaçant le projet de classement à l’agenda national. Cette prise de position a conduit à la saisine de la CNPA en 2023, l’enquête publique sur le classement en 2024 et l’arrêté de classement partiel signé par Rachida Dati (Les Républicains) le 5 juillet 2024.

Ainsi, c’est contrainte par l’Etat que la mairie a dû commencer une procédure de classement de la Butte Rouge.

2023 : La Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture (CNPA) ne rend pas d’avis favorable pour le projet du maire.

La CNPA est une instance nationale consultative placée sous l’autorité du ministère de la Culture. Elle joue un rôle central dans la protection, la valorisation et la gestion du patrimoine architectural, urbain et paysager à l’échelle nationale. La CNPA est chargée de donner des avis sur les projets de classement ou de modification concernant les monuments historiques, les sites patrimoniaux remarquables (SPR), les secteurs sauvegardés, les projets d’aménagement ayant un impact significatif sur le patrimoine, d’évaluer les enjeux patrimoniaux des projets d’urbanisme ou de rénovation à fort impact, et de conseiller le Ministre de la Culture sur les décisions de classement, de protection ou de transformation de sites patrimoniaux. Pour ce faire, la CNPA est composée d’Architectes des Bâtiments de France (ABF), d’historiens de l’art, d’urbanistes et paysagistes, d’experts du patrimoine, de représentants d’associations nationales de protection du patrimoine, et personnalités qualifiées nommées par le ministère.

La CNPA examine le projet de classement en Site Patrimonial Remarquable (SPR). Elle reconnaît à l’unanimité l’intérêt patrimonial de la Butte Rouge, mais elle ne donne pas d’avis favorable sur le périmètre de classement proposé par la mairie et le territoire Vallée Sud-Grand Paris car le périmètre est jugé trop restreint et incohérent avec la valeur globale du site, et aucune majorité ne se dégage pour valider ce périmètre. Résultat : pas d’avis favorable sur le projet tel que présenté.
 

Le règlement intérieur de la CNPA indique que la commission ne peut être considérée comme ayant émis un avis favorable ou défavorable que si plus de la moitié des membres présents ou ayant donné mandat se sont exprimés dans ce sens. Soit 11 voix nécessaires pour 21 votants dans le cas présent.

Pourtant, la mairie ne se gène pas pour afficher sur son site pendant plusieurs mois que la CNPA a donné un avis favorable, ce qui est donc factuellement faux.

2024 : La commissaire enquêteure rend un avis favorable avec réserve* : « modifier le périmètre du Site Patrimonial Remarquable proposé et étendre ce périmètre à toute la partie enclose entre le Boulevard de la Division Leclerc et la forêt de Verrières. »

*Si la réserve n’est pas levée, l’avis de la commissaire enquêteure devient défavorable.

En 2024, une consultation publique a lieu sur le classement en Site Patrimonial Remarquable. Mais le périmètre a été fortement contesté par plusieurs associations, dont Châtenay Patrimoine Environnement (ACPE), Sauvons la Butte Rouge et le Collectif Citoyen Châtenaisien, qui réclament la protection de l’ensemble de la Butte Rouge.

Sur cette consultation, le maire ne se vante pas de l’avis donné par la commissaire enquêteure, et qu’on ne retrouve d’ailleurs pas sur le site de la ville : https://www.chatenay-malabry.fr/mairie-et-services/enquetes-publiques-consultations/, mais que nous avons conservé et que l’on vous partage ici :

La réserve n’ayant pas été levée, l’avis devient défavorable.

Vous retrouverez également un article sur le site internet de Sites & Monuments sur cette enquête publique : https://www.sitesetmonuments.org/Victoire-a-la-Butte-Rouge-le-commissaire-enqueteur-demande-l-extension-du-Site-patrimonial-remarquable-a-l-ensemble-de-la-cite-jardin.

2024 : Mme Rachida Dati, Ministre de la Culture, a classé partiellement la Butte Rouge par un arrêté publié le 5 juillet 2024

Cet arrêté ne tient pas compte des avis des experts qui prônent un classement de l’ensemble de la Cité-jardin de la Butte Rouge ; le périmètre du SPR ne protège ainsi que 50% du site.

Vous retrouverez l’arrêté en question ici : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=nvbQs0jLrnRj4FgdtjaChhw7vDZFNnoUYrgSjWmeUG4=, accompagné de l’annexe délimitant le périmètre du SPR en jaune ci-dessous :

Ainsi l’arrêté de classement a été contesté au tribunal par deux associations locales (Sauvons la Butte Rouge et ACPE) et trois associations nationales (Sites & Monuments, Fédération Patrimoine Environnement, et DOCOMOMO France). Les associations, en conformité avec les avis des experts, contestent :

  • Le classement partiel qui ne protège qu’environ 50 % de la cité-jardin car c’est l’ensemble de la Cité-Jardin qui doit être protégé ;
  • Le fait que seuls 23 bâtiments sur 216 bénéficient d’une réelle protection ;
  • L’incohérence patrimoniale du périmètre proposé, qui permettrait des démolitions même dans la zone classée ;
  • L’usage du classement comme outil de gentrification, menaçant 1600 logements sociaux.

A ce jour, le recours est toujours en cours d’instruction. Les associations espèrent obtenir une extension du périmètre de classement à l’ensemble de la Cité-jardin, y compris la Cité des Peintres.

Rappelons que la mairie de Châtenay-Malabry a organisé plusieurs enquêtes publiques dans le cadre du projet de rénovation de la Butte Rouge, car la loi l’y oblige pour certains types de projets d’aménagement urbain, notamment ceux :

  • ayant un impact environnemental significatif (d’où l’enquête publique environnementale),
  • ou impliquant des modifications du patrimoine (comme le classement en Site Patrimonial Remarquable – SPR).

Elles sont imposées par le Code de l’environnement et le Code de l’urbanisme pour garantir la transparence du projet, l’information du public, et la participation citoyenne à la décision. Elles permettent à toute personne (habitants, associations, experts…) de formuler des observations ou des critiques sur le projet.

Néanmoins, l’avis du commissaire enquêteur (ou de la commissaire enquêteure) n’est pas contraignant juridiquement. Qu’il soit favorable ou défavorable, la mairie peut poursuivre le projet.