Suite aux émeutes consécutives à la mort de Nahel qui ont marqué notre ville, le CCC appelle à des états généraux municipaux de la relation police – habitants.

Au départ, il y a eu le décès d’un adolescent, Nahel, tué par un policier. Les images semblent montrer que ce policier n’était pas en danger, contrairement aux premières affirmations de source policière. La justice a inculpé ce policier d’homicide volontaire et l’a placé en détention provisoire, et ce sera bien-sûr à elle de se prononcer.

Premier problème : ces cas tragiques se multiplient : 37 décès selon l’IGPN en 2021, plusieurs dizaines chaque année, de plus en plus depuis la loi de 2017 permettant aux forces de l’ordre d’utiliser leur arme à feu en cas de refus d’obtempérer, sans parler de l’escalade dans les techniques et équipements de maintien de l’ordre …

Certains policiers semblent bafouer les règles d’utilisation de leurs armes (voir https://reporterre.net/Les-textes-officiels-encadrant-le-maintien-de-l-ordre ), qu’il s’agisse des armes à feu de service, ou des armes de maintien de l’ordre comme les LBD ou les lanceurs de grenades lacrymogènes ou de désencerclement (ripostes non proportionnées, tirs tendus de grenades alors qu’ils devraient être « en cloche », tirs de LBD visant des parties du corps interdites ou tirés à distance trop rapprochée).

Le plus souvent, les policiers tireurs se réclament d’une légitime défense, qui apparait régulièrement douteuse après-coup (absence de danger, personnes touchées dans le dos, …).

Toujours est-il que la seule réaction aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel ont généré, selon un décompte provisoire, un mort (Mohamed ; 3 policiers mis en examen), un cas de coma (Aimene), un cas de crâne fracassé (Hedi ; 4 policiers de la BAC mis en examen pour « violences aggravées »), et 5 personnes éborgnées (Abdelkarim, Jalil, Virgil, Mehdi, Nathaniel).

Rappelons que les armes utilisées en France (certaines léthales) sont uniques en Europe, de même que la « souplesse » dans les règles d’utilisation.

Rappelons aussi que la France a été rappelée à l’ordre par l’ONU et par le Conseil de l’Europe.

 

Deuxième problème : parmi ces victimes, on constate malheureusement une proportion anormalement élevée de jeunes issus de l’immigration maghrébine ou sub-saharienne, de même que ces jeunes ont une probabilité 20 fois plus importante que les autres d’être contrôlés (déclaration du Défenseur des Droits en 2017).

Y aurait-il un racisme systémique dans une partie de la police ?

Contrairement à d’autres pays européens, l’égalité des citoyens devant la police n’est pas centrale dans la formation des policiers, et aucun débat public n’a lieu sur les « biais raciaux » dont peut souffrir la police (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/09/mort-de-nahel-m-les-discriminations-prises-en-compte-par-la-plupart-des-polices-d-europe-relevent-en-france-du-non-dit_6181166_3232.html )

Bien-sûr, il nous faut aussi entendre le malaise ressenti par les forces de l’ordre, qui dure depuis plusieurs années : confrontées à des crises sociales, aux situations humaines les plus difficiles, aux manifestations, aux émeutes, aux différentes formes de délinquance, au trafic de drogue, elles sont parfois démunies devant l’ampleur de la tâche.

Le manque de formation des policiers, leurs baisses d’effectifs, les baisses de niveau de recrutement (https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701234.html ), leurs conditions de travail stressantes , leur épuisement, sont à prendre en compte.

Il n’est pas étonnant que cet environnement de travail, surtout combiné aux techniques policières surarmées, conduise à ces bavures policières parfois meurtrières.

 Ces problèmes de relation entre la police et la population sont au cœur du modèle républicain et démocratique.

Il est essentiel de restaurer une confiance dans les deux sens entre police et habitants, et plus particulièrement avec la jeunesse d’origine immigrée.

C’est au niveau national que ce sujet doit être pris à bras de corps. Malheureusement, notre pays n’en prend pas le chemin.

En ce qui concerne Châtenay, où de nombreuses violences urbaines ont eu lieu en miroir des violences policières, le CCC appelle à des états généraux municipaux de la relation policier – habitant, avec des cellules de rencontre dans toutes les écoles publiques collèges et lycées de la ville, qui aboutira à une série de recommandations présentées aux élus et aux autorités au terme de 6 mois d’échanges.

Il s’agirait de 6 ateliers-débats thématiques de 2h30 chacun, au rythme de un par mois, animés par des intervenant.e.s des quartiers, des commerçant.e.s, des habitant.e.s, des spécialistes de sciences sociales, des associations, un.e modérateur.trice.

Ces débats se centreraient à chaque fois sur une thématique différente et incluraient peu à peu les policier.e.s volontaires de la Police Nationale comme de la Police Municipale, avec l’aide du policier dédié à la prévention qui intervient déjà dans les écoles et collèges de la ville.

Ces échanges de vues déboucheraient sur la proposition de 10 mesures concrètes à présenter au maire de Châtenay et à la Préfecture.

Ces états généraux sont un moyen efficace de mettre la ville sur une trajectoire de désescalade de violence dans la relation policier-habitant.

Ce type d’initiative existe dans de nombreuses communes : 18eme et 19eme arrondissements de Paris (https://espoir18.org/rencontres-police-population/) , Rennes (https://www.lagazettedescommunes.com/803748/relations-police-population-des-rencontres-pour-agir-sur-le-terrain/) , Beauvais (https://actu.fr/hauts-de-france/beauvais_60057/pourquoi-les-policiers-veulent-rencontrer-les-habitants-de-cette-ville-de-l-oise_59369327.html) , etc…

Nous nous basons également sur les conclusions de l’étude approfondie réalisée par Manuel Boucher, docteur en sociologie et directeur de recherches, suite à une longue enquête sociologique réalisée conjointement dans des écoles de police et dans des quartiers populaires de Paris, Marseille, et la Seine Saint Denis :

https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2014-2-page-77.htm

Ces états généraux viendraient compléter les actions récurrentes réalisées depuis des années par le pôle « Gestion Urbaine et Sociale de Proximité » de l’IDSU (Insertion Développement Social Urbain – structure associative mandatée et financée par les pouvoirs publics), en particulier dans le cadre du CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance), et les conclusions et mesures qui en découleraient seraient mises en œuvre dans le cadre du nouveau contrat de ville renouvelé.

Parlons-nous, surtout écoutons-nous, et proposons des mesures concrètes.